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LIVRE V


LA FORMATION DE LA BOURGEOISIE




CHAPITRE PREMIER

LA RENAISSANCE DU COMMERCE

I. — Le commerce méditerranéen

L’organisation économique, qui s’est imposée à l’Europe occidentale au cours de l’époque carolingienne et qui s’y est conservée dans ses traits essentiels jusqu’à la fin du xie siècle, était, on l’a vu, purement agricole. Non seulement elle ne connaissait pas le commerce, mais on peut dire qu’en réglant la production selon les besoins des producteurs, elle excluait même la possibilité de toute activité commerciale professionnelle. La recherche et jusqu’à l’idée du profit lui étaient étrangères. Le travail de la terre servait à assurer l’existence des familles ; on ne cherchait pas à lui faire produire un surplus dont on n’eût su que faire.

Ce n’est pas à dire qu’il n’ait existé alors aucune espèce d’échange. Chaque domaine avait beau chercher à produire tout ce qui lui était nécessaire, il n’en était pas moins impossible de se passer complètement de toute importation. Dans les pays du nord, le vin devait être nécessairement amené des régions méridionales. Puis les famines locales étaient nombreuses et, en cas de disette, la province affamée s’efforçait de tirer quelques ressources des provinces voisines. Il y avait enfin, de distance en distance, de petits marchés hebdomadaires destinés à subvenir aux besoins courants de la population des alentours. Mais tout cela n’avait qu’une importance tout à fait accessoire. On faisait du commerce à l’occasion, on n’en faisait pas par profession. Une classe de marchands n’existait pas plus qu’une classe d’industriels.