Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/163

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L’industrie se bornait à quelques artisans indispensables, serfs travaillant dans la cour domaniale pour les besoins du domaine, charrons éparpillés dans les villages, tisserands de lin ou de laine produisant pour la consommation familiale. Dans certaines régions, comme sur la côte de Flandre, la qualité de la laine et la conservation des procédés de la technique romaine donnaient une qualité supérieure aux étoffes des tisserands paysans et les faisaient rechercher dans les contrées voisines. C’était une spécialité comme l’étaient les bonnes pierres et les beaux arbres pour les constructions. Il résultait de là sur les fleuves un petit batelage, dont se servaient aussi les voyageurs et les pèlerins. De petits ports, au nord de la France et dans les Pays-Bas, servaient aux rares voyageurs venant d’Angleterre ou y allant. Mais tout cela n’eût pas existé, que rien d’essentiel n’eût été changé à l’ordre des choses. Les rudiments de vie commerciale que connut l’époque carolingienne n’y répondaient à aucun besoin permanent, à aucune nécessité primordiale. La meilleure preuve qu’il en fût ainsi est le sort subi par l’unification des poids, des mesures et des monnaies établie par Charlemagne. A la fin du ixe siècle, la diversité a remplacé l’unité. Chaque territoire a ses poids, ses mesures et ses monnaies propres. Cette régression n’aurait pu s’accomplir si le commerce avait eu quelque importance. Mais s’il en allait ainsi dans l’Empire carolingien, il n’en était pas de même dans les deux seuls points de l’Europe occidentale qui appartinssent encore à l’Empire byzantin : Venise et l’Italie méridionale. Les ports de Campanie, d’Apulie, de Calabre et de Sicile continuaient à entretenir des relations régulières avec Constantinople. La grande ville exerçait jusqu’à eux son attraction. Bari, Tarente, Amalfi et, aussi longtemps que la Sicile ne fut pas conquise par les Musulmans, Messine, Palerme et Syracuse envoyaient régulièrement vers la Corne d’or leurs bateaux chargés de blé et de vins et en ramenaient les produits des manufactures orientales. Leur commerce ne tarda pas à être dépassé par celui de Venise. Fondée dans les lagunes par des fuyards à l’époque des invasions lombardes, refuge des patriarches d’Aquilée, la ville ne fut d’abord qu’une agglomération de petites îles séparées les unes des autres par des bras de mer et dont la principale était celle de Rialto. Tout cet ensemble reçut le nom de Venetia, qui avait jusqu’alors été celui de la côte. L’arrivée des reliques de Saint Marc d’Alexandrie, en 826, lui donna un patron national. La pêche et le raffinage du sel marin furent d’abord les premières ressources