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qui assure à la politique royale le concours de la classe la plus jeune, la plus active et la plus riche de la société.

On distingue sous Louis VII les premiers symptômes de cette alliance dont la clairvoyance de Philippe Auguste a reconnu toute la portée et qu’il a systématiquement fortifiée et étendue. L’augmentation rapide de la circulation monétaire, conséquence du commerce urbain, n’a pas été moins profitable à la royauté. En lui permettant de transformer les prestations et les droits féodaux qu’elle avait jusqu’alors perçus en nature, en redevances payables en argent, et en achevant la frappe et par conséquent les bénéfices de ses ateliers monétaires, elle l’a mise à même de se procurer l’instrument indispensable de toute puissance politique : des finances. Le trésor royal, jusqu’alors confondu dans l’ensemble de la fortune privée du roi, devient une branche spéciale d’administration. Les plus anciens comptes que l’on en possède datent du règne de Philippe Auguste. Non seulement le roi est désormais à même de louer en temps de guerre, des bandes de mercenaires, mais il peut surtout attacher à son service de véritables fonctionnaires, c’est-à-dire des agents payés et par cela même révocables. Tels sont les baillis dont la plus ancienne mention remonte à l’année 1173, et qui se répandent bientôt à travers tout le domaine royal. Capable désormais de solder ses serviteurs, le prince n’est plus obligé de leur abandonner leurs charges à titre héréditaire et de renoncer ainsi à disposer d’eux à son gré. La substitution à l’ancienne économie agricole d’une économie monétaire a enlevé l’obstacle qui, depuis l’époque franque, était invinciblement opposé au développement de l’État.

Les réformes qui s’introduisent sous Philippe Auguste dans l’organisation de la cour royale l’approprient aux nécessités du gouvernement central. L’assemblée des grands laïques et ecclésiastiques qui, depuis l’époque carolingienne se réunissait à époques fixes autour du roi et constituait à la fois un conseil et une cour de justice, sans attributions précises, sans compétence définie, et dont l’action se bornait le plus souvent à entraver, au profit des grands vassaux, l’action de la couronne, se scinde en deux collèges permanents : le Conseil du roi d’une part, pour les affaires politiques, le Parlement de l’autre, pour les affaires judiciaires. L’un et l’autre se composent encore, pour la plus grande partie, de membres de la haute noblesse et du haut clergé. Mais déjà, à côté d’eux, le roi y introduit des hommes à lui et son influence ira y grandissant