Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/244

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réduit à la possession de la ville. Baudouin II va mendier de l’argent en Europe, vend la couronne d’épines à Saint Louis, engage son comté de Namur. Rien n’y fait. L’État grec de Nicée est maintenant sûr de lui. En 1261, Michel Paléologue, avec l’aide des Génois, jaloux des Vénitiens, reprend Constantinople et rétablit l’Empire. De l’union de l’Église grecque, il ne reste rien. Le seul résultat a été d’augmenter l’empire colonial vénitien an détriment de Byzance qui ne reprend pas les îles, ni les établissements fondés en Grèce. L’Empire est plus faible qu’il n’était, moins capable de résister aux Turcs. C’est à ce résultat qu’a abouti la Croisade !

Et pourtant la papauté conserve des illusions. Urbain IV et Clément IV traitèrent avec Michel Paléologue pour l’union et le Concile de Lyon en 1274 la proclamera. Mais il faudra bien vite se rendre à la réalité et constater que Michel n’a recherché, en négociant l’union, que la possibilité d’obtenir des secours militaires. Martin IV prononcera la rupture et favorisera les plans de Charles d’Anjou contre Constantinople.

Les choses ne marchent pas mieux à la Croisade. La cinquième, pour laquelle Honorius III se passionne (1218-1221), n’est qu’une expédition conduite par le roi titulaire de Jérusalem, Jean de Brienne, contre Damiette, avec des bandes amenées de Hongrie, du nord, de France, d’Allemagne. Elle échoue parce que le légat la conduit en dépit du bon sens et que Frédéric II, dont on attendait le secours promis à son couronnement en 1220, ne vient pas.

Les trois dernières Croisades, dont il sera question plus loin, n’ont plus guère de la Croisade que le nom.

Pourquoi ce decrescendo de l’œuvre de la Croisade, si grandiosement inaugurée ? La réponse n’est pas difficile. La Croisade en soi, et comme le veut le pape, ne répond à aucun but temporel et en cela justement est sa grandeur et sa faiblesse. L’Europe n’avait pas besoin de la Syrie et de Jérusalem. Elle les avait pris dans un soulèvement d’enthousiasme et n’avait pas la force de les garder. Il eût fallu pour cela la Croisade en permanence, l’Europe se transformant en ordre militaire. C’était impossible. Mais, en outre, la civilisation agricole qui avait permis la levée en masse de gens, à mesure qu’elle disparaît, rend de nouvelles Croisades plus difficiles. Les populations urbaines et les populations rurales qui les font vivre, ne peuvent plus se déplacer. La chevalerie se ruine et il faut la payer. Pourtant l’esprit croisé se conserve chez elle encore longtemps. Dans les villes maritimes, au contraire, qui