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métaux. Les bas prix de l’or dans le Levant leur permettait d’en acquérir facilement de grandes quantités sur lesquelles ils réalisaient au retour des bénéfices considérables. On sait d’ailleurs que c’est par les florins de Florence, frappés dès 1252[1] et imités bientôt à Venise (ducats) puis en France, que la monnaie d’or, abandonnée depuis l’époque mérovingienne, réapparut dans le commerce international, lui fournissant l’instrument d’échange devenu indispensable à ses progrès. La cessation du commerce avait donné à l’Europe la monnaie d’argent ; sa renaissance lui rendit la monnaie d’or.

La situation sociale des banquiers et des marchands italiens eut pour conséquence de les rapprocher de la noblesse au point de les confondre parfois avec elle. Ce processus fut d’autant plus rapide que la noblesse italienne au lieu de résider à la campagne comme celle de l’Europe du nord, tenait sa résidence dans les villes. Déjà, à la fin du xiie siècle, on voit des nobles s’intéresser à des opérations commerciales. Les marchands, d’autre part, sont anoblis. Bref, sous l’influence du capital, la démarcation qui ailleurs reste si tranchée entre les classes juridiques, s’atténue au point de disparaître presque en Italie dans le courant du xiiie siècle. Il se forme une aristocratie pour laquelle la condition sociale a plus d’importance que le sang et chez laquelle aussi la valeur individuelle l’emporte sur le préjugé de la naissance. La vie sociale est plus nuancée, la vie politique plus individuelle, l’ambition de chacun a des perspectives plus illimitées ; il y a moins de conventions, moins de castes, plus d’humanité et aussi plus de passions. Florence, ici encore, a pris les devants sur toutes les autres villes. Et c’est l’honneur immortel de son peuple que d’avoir produit et formé le génie à qui le monde doit ce que le Moyen Age a produit de plus grand avec les cathédrales gothiques de France : la Divine Comédie.

Ni pour la richesse, ni pour l’activité politique, sociale ou intellectuelle, les États de la papauté ne peuvent soutenir la comparaison avec la Lombardie ou la Toscane. Ils ont présenté dès l’origine et conservé jusqu’au bout le caractère artificiel d’une création purement politique destinée à assurer à Rome l’indépendance du Saint-Siège. Jetés en travers de l’Italie entre le royaume de Sicile et la Toscane, coupés en deux par l’Appenin, manquant de bons ports

  1. Frédéric II, en 1231, avait déjà fait frapper en Sicile des Augustales d’or, mais dont la circulation semble être restée assez étroitement limitée.