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Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/257

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bliait que le pape avait doublement barre sur lui. Comme roi de Sicile, n’était-il pas vassal du Saint-Siège ; comme empereur n’en recevait-il pas la couronne ? Il avait beau comparer la cérémonie du couronnement à celle de l’onction des rois, personne ne pouvait admettre ce rapprochement. Car l’onction ne créait pas le roi, tandis que le couronnement créait l’empereur. En somme, cet Empire qui avait lutté si longtemps contre la papauté se montrait, au moment décisif, dans toute sa faiblesse et incapable de défendre l’indépendance du pouvoir temporel dont il se déclarait le champion. Son origine religieuse le condamnait à rester attaché à la papauté. En revendiquant son autonomie, il faussait l’histoire et ne reposait plus sur rien. Il fallait pour trancher la question un roi sur la couronne duquel le pape ne pût formuler aucune prétention. Ce n’était pas l’empereur, mais le roi de France qui était destiné à la résoudre et là où Frédéric II échoua, Philippe le Bel, cinquante ans plus tard, devait réussir.

Le règne de Frédéric est comme l’épilogue de la tragédie commencée avec Grégoire VII et achevée à Bouvines. L’Empire n’existait plus que de nom dès Othon de Brunswick. La tentative de Frédéric de le relever au moyen de son royaume sicilien ne pouvait aboutir qu’à une catastrophe. Il s’épuisa à lutter, contre tout espoir, tenant la campagne contre la Lombardie et épuisant pour une cause perdue ses troupes et ses finances. Il mourut peu après une défaite sanglante que les Parmesans lui infligèrent, le 13 décembre 1250. Sa mort ne causa aucune impression en Allemagne ; elle eut un retentissement énorme en Italie. Des prophéties relatives à l’arrivée de l’Antéchrist furent reportées sur Frédéric et le bruit se répandit plus d’une fois qu’il était revenu sur la terre. C’est l’écho de ces rumeurs italiennes qui, se répercutant en Allemagne, y a donné naissance à la légende du sommeil de l’empereur dans la montagne de Kyffhäuser, légende que l’imagination populaire, trompée par la similitude des noms, devait bientôt d’ailleurs appliquer à Frédéric Barberousse.

Quant au royaume de Sicile, le pape se hâta de l’enlever pour toujours à cette « race de vipères » qu’étaient les Hohenstaufen. C’est à la France qu’il le destina.