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à y collaborer et à augmenter singulièrement ses progrès. Le paganisme disparu devant la colonisation allemande entre l’Elbe et l’Oder, subsistait encore dans toute l’étendue de la plaine qui s’étend aux bords de la Baltique entre ce fleuve et le Niémen. Ses habitants d’origine slave, les Prussiens, avaient résisté aux tentatives d’évangélisation entreprises chez eux à la fin du xe siècle par Saint Adalbert, évêque de Prague et, plus tard par des moines cisterciens de Pologne. Au commencement du xiiie siècle, le duc polonais de Mazovie appela contre ces infidèles obstinés les chevaliers de l’Ordre Teutonique. Fondé à Saint-Jean d’Acre, en 1198, parmi les Frères hospitaliers de nationalité allemande, cet ordre avait été invité une vingtaine d’aimées plus tard, par le roi André II de Hongrie, à combattre les hordes des Coumans païens qui inquiétaient ses frontières orientales. Mais des difficultés n’avaient pas tardé à surgir entre les Hongrois et les chevaliers et l’appel du duc polonais de Mazovie leur fournit l’occasion de déployer leur zèle pour la foi sur un champ d’action plus favorable. Les pauvres Prussiens, avec leurs arcs et leurs boucliers d’osier, ne pouvaient résister aux lourds chevaliers qui venaient à coups de glaive conquérir au catholicisme une terre nouvelle, mais non un nouveau peuple. Car de convertir les Prussiens, il ne fut pas question. On les traita comme des ennemis du Christ et du pape, qu’ils ne connaissaient ni l’un ni l’autre. Depuis les Croisades, l’évangélisation cédait le pas à la guerre sainte. Celle-ci fut une guerre d’extermination. Elle ne prit fin qu’en 1283 quand il n’y eut plus de païens à massacrer. A mesure que les Teutoniques avançaient dans le pays, ils l’organisaient. Dès châteaux-forts dont la Marienburg, non loin de Dantzig, nous a conservé un curieux spécimen, marquaient les étapes de la conquête. Des colons allemands venaient en occuper les alentours et là aussi la germanisation, comme entre l’Elbe et l’Oder, fut donc la conséquence de la guerre. Des Prussiens, il ne resta que le nom, qui continua à désigner les envahisseurs. Les chevaliers conservèrent la seigneurie du pays qu’ils prirent en fief du pape Grégoire IX, en 1234.

Pendant que les Allemands colonisaient ainsi la grande plaine au sud de la Baltique, ils essaimaient également sur les rivages de cette mer où jusqu’alors n’avaient navigué que les bateaux scandinaves. Le mouvement ici partit de Lubeck, bourgade slave détruite par Henri le Lion, puis repeuplée par des émigrants venus des régions allemandes avoisinantes. L’endroit était admirablement situé.