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la capitale de leurs rois brusquement maîtres d’un immense royaume gallo-romain, ils ne devaient exercer sur les destinées de la Francia aucune influence avant l’époque carolingienne. De tous les rois barbares, ce sont les rois francs qui sont les plus éloignés de la conception romaine du pouvoir. Ils considèrent le royaume comme leur terre patrimoniale et appliquent à la succession au trône les principes qui, d’après la loi salique, règlent la succession aux immeubles : à la mort du roi, ses fils se partagent le royaume en parts équivalentes. On surprend là une idée grossière de la royauté despotique, qui s’écarte aussi complètement des coutumes germaniques que de l’absolutisme impérial. Pourtant le roi est, comme l’empereur, le chef militaire suprême, il est le souverain justicier du royaume, c’est à lui qu’il incombe d’y faire régner la paix.

Les rois francs devaient d’ailleurs se romaniser rapidement. Ils devaient en effet, dès leur installation dans l’Empire, prendre, vis-à-vis de la Germanie, une attitude nettement défensive, qui leur fit oublier leur peuple cantonné sur l’extrême frontière du nord, au point de le laisser conserver, jusqu’en plein viie siècle, sa religion païenne. L’ancienne administration impériale, qu’ils trouvèrent en Gaule, devait, d’autre part, leur imposer la conception romaine.

Le roi franc se sert, il est vrai, pour administrer ses biens et ses royaumes, du personnel de sa cour. Elle se compose de quelques dignitaires dont les noms indiquent qu’ils descendent d’anciens esclaves, tel que l’on en trouvait auprès de tous les grands d’origine germanique : le maréchal (l’esclave des chevaux), le sénéchal (l’ancien esclave), le bouteiller (l’esclave de la cave), le majordome (le chef de la domesticité). Mais ces serviteurs à fonctions ménagères participèrent à la fortune de leur maître et, tout naturellement, ce qui est royal étant public, ils devinrent ses ministres. À côté d’eux d’ailleurs, un fonctionnaire du type romain, le référendaire, placé à la tête des scribes repris à la bureaucratie impériale, expédiait les préceptes ou diplômes royaux.

Si l’administration du pays tombe en décadence du fait qu’elle se trouve séparée de Rome, c’est-à-dire du gouvernement central, dont tous les rouages dépendaient, elle se maintient cependant tant bien que mal.

Le roi confie le gouvernement des provinces, qui presque partout coïncident avec les anciennes « cités » romaines, à des comtes,