Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/270

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impossible une union dynastique qui, d’ailleurs, n’eut certainement pas été durable. Louis revint en France où il succéda sept ans plus tard en 1223 à son père, sous le nom de Louis VIII.

Philippe Auguste, en montant sur le trône ne gouvernait encore directement que le vieux domaine royal, un peu augmenté par Louis VI et Louis VII, mais toujours sans débouchés sur la mer et menacé à l’ouest et au nord par l’alliance du comte de Flandre et du roi d’Angleterre. En mourant, il laissait son fils en possession de la Bretagne, du Poitou, de la Normandie et assuré de l’obéissance du comte de Flandre réduit au rôle de protégé de la couronne. Il n’y avait plus dans le royaume aucun prince en état de lui tenir tête. Cependant, le midi restait encore indépendant du pouvoir monarchique. Vis-à-vis du comté de Toulouse, Louis VIII se trouvait à peu près dans la même situation que Clovis, huit siècles plus tôt, vis-à-vis du royaume des Wisigoths. Ce fut, comme pour Clovis, un motif religieux qui lui donna l’occasion d’intervenir. Le conquérant, au ve siècle, attaqua les Wisigoths sous prétexte qu’ils étaient ariens ; Louis VIII fut amené à s’annexer le comté de Toulouse par suite de l’hérésie des Albigeois. Dans un cas comme dans l’autre d’ailleurs, la question religieuse ne servit qu’à hâter un événement inévitable. L’unité géographique de la France appelle nécessairement son unité politique. Le nord et le midi ne s’y opposent pas ; ils se continuent l’un dans l’autre. Ajoutez à cela l’attraction de la Méditerranée, la mer par excellence du grand commerce, le chemin de l’Orient. Elle l’était encore sous Clovis ; elle l’était redevenue au commencement du xiiie siècle. De Paris, les rois de France devaient marcher vers elle comme y avaient marché les rois des Francs. D’ailleurs leur suzeraineté s’étendait jusqu’aux Pyrénées. Il n’y avait peut-être pas en Europe, au commencement du xiiie siècle, de région plus vivante et plus brillante que le Languedoc. Grâce à la navigation méditerranéenne, les villes y étaient nombreuses et prospères. Comme Gênes et Pise, Marseille et Montpellier envoyaient leurs vaisseaux aux ports d’Égypte et de Syrie ; comme Sienne et Florence, Cahors s’adonnait au commerce de l’argent et la renommée de ses banquiers s’étendait jusque dans les Pays-Bas. Toulouse, dans la plaine de la Garonne, avait une importance analogue à celle de Milan en Lombardie. Toutefois, à la différence de l’Italie, les villes françaises du midi n’étaient pas des républiques autonomes. Comme dans le nord, elles reconnaissaient la seigneurie des principautés territoriales qui s’étaient