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bientôt le parti pris politique. Ne se laissant guider que par l’intérêt de la couronne, la question pour eux n’est pas de juger entre le comte et les patriciens, mais de soutenir systématiquement ceux-ci contre celui-là. Rien n’est épargné pour leur montrer qu’ils peuvent en tout compter sur le roi, et la protection qui leur est accordée se manifeste d’autant plus puissante qu’elle a recours à des procédés plus humiliants pour le comte. De simples « sergents » sont envoyés dans les villes flamandes comme « gardiens » au nom de la couronne ; la bannière fleurdelisée est arborée sur leurs beffrois et leur confère une immunité qui leur permet de braver en face leur seigneur et ses baillis. La ploutocratie orgueilleuse qui domine les villes n’a plus rien à craindre depuis qu’elle se couvre de l’emblème redoutable de la puissance royale. Elle peut se rire désormais des efforts du comte et du « commun ». Elle se fait gloire de ce nom de « gens du lys », de leliaerts, que le peuple lui décerne par opprobre.

Aux méthodes nouvelles de la politique impitoyable qui s’acharnait contre lui, Guy de Dampierre, menacé au dehors par l’alliance de Philippe le Bel avec Jean d’Avesnes, au dedans par le protectorat du roi sur ses grandes villes, n’aurait eu rien à opposer, si la guerre qui venait de reprendre entre la France et l’Angleterre ne lui avait fourni l’espoir d’opposer la force à la force.

Depuis le commencement du xiiie siècle, la royauté anglaise absorbée par les glorieux troubles civils d’où devait sortir la constitution nationale, n’avait pu continuer l’œuvre d’expansion commencée par Henri II. Dans les montagnes de l’ouest, la principauté de Galles conservait son indépendance, et au nord, les rois d’Écosse ne se souciaient plus de la vassalité qui leur avait été imposée par le grand Plantagenêt. Un tel état de choses ne pouvait durer longtemps. L’unité géographique d’une île tend nécessairement à y introduire l’unité politique. Les Gallois et Écossais étaient d’ailleurs pour l’Angleterre les plus incommodes et les plus dangereux voisins, et lorsque Édouard Ier résolut de les soumettre, la nation seconda ses desseins avec empressement. Le pays de Galles fut réuni au royaume en 1284, en conservant une autonomie dont le nom de prince de Galles porté par l’héritier de la couronne fut depuis lors le symbole. La guerre contre l’Écosse fut plus malaisée. Malgré leur origine diverse et leur idiome différent, anglo-saxon dans le « bas pays » du sud, celtique dans les montagnes du nord, les Écossais étaient animés d’un même sentiment d’autonomie. Lors-