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nant invoqué par la couronne que quand il fournissait des prétextes à ses prétentions : elle rejetait, au nom de la souveraineté les obligations qu’il lui imposait. Elle avait tiré du comte de Flandre les services qu’il pouvait lui rendre. Maintenant que les princes vassaux de l’Empire venaient à elle, il devenait inutile et même dangereux de continuer à augmenter son pouvoir en Lotharingie. Le moment était venu de lui montrer qu’il n’était rien sans l’appui du roi, et de le ramener au rôle d’un simple instrument de la couronne.

Les mouvements sociaux dont les villes flamandes étaient le théâtre depuis le milieu du xiiie siècle offraient à la politique royale une nouvelle occasion d’agir dont elle sut tirer tout de suite un merveilleux parti. Dans les grands centres industriels qu’étaient Gand, Bruges, Ypres, Lille et Douai, une véritable haine de classe excitait contre les patriciens qui exerçaient le gouvernement municipal, les masses ouvrières des travailleurs de la draperie, foulons, tondeurs, tisserands, etc. Ils reprochaient aux échevins de n’administrer qu’au profit de la haute bourgeoisie, de les sacrifier aux intérêts des riches marchands de drap et de laine, de les réduire à des salaires de famine. Des grève (takehans) avaient éclaté, on avait découvert des conspirations, et l’exaspération parmi le peuple allait croissant à mesure que se multipliaient les mesures de précaution ou de défense prises contre lui. En 1280, une révolte générale avait éclaté en même temps dans toutes les villes flamandes ou wallonnes provoquant dans plusieurs d’entre elles de véritables batailles de rues. Guy de Dampierre en avait profité pour intervenir. Incapable de maîtriser au moyen de ses seules forces les échevinages patriciens qui depuis longtemps méprisaient ouvertement son autorité, il s’était montré plein de bienveillance pour le peuple afin de l’intéresser à défendre les prérogatives princières. Contre l’alliance menaçante du comte et du « commun », les patriciens cherchèrent aussitôt un protecteur dans le suzerain de leur prince, le roi de France. Déjà en 1275, sous le règne du roi Philippe le Hardi, les XXXIX de Gand[1] cassés par Guy de Dampierre en avaient appelé au Parlement de Paris. La sentence avait été équitable. Le Parlement, convaincu des abus qui leur étaient reprochés, les avait déboutés de leur plainte, sans approuver pourtant la nouvelle organisation que le comte avait donnée à la ville. À cette impartialité du droit, les légiste de Philippe le Bel devaient substituer

  1. Échevins, représentants du patriciat, qui gouvernaient la commune.