Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/316

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fait place aux métiers, et des constitutions sont entrées en vigueur dont les différences innombrables de détail n’empêchent pas qu’on puisse les caractériser pour la plupart comme organisant une espèce de représentation des intérêts. Les intérêts en présence se faisant équilibre, ces constitutions, généralement, se figent dans l’immobilité. Il est certain que la législation urbaine a été beaucoup plus active et plus novatrice au xiiie qu’au xive siècle. Ces démocraties de petits bourgeois privilégiés se caractérisent par l’égoïsme, le protectionnisme. La politique urbaine devient encore plus exclusive qu’elle ne l’était auparavant là où, comme en France et en Angleterre, elle n’est pas forcée de tenir compte de l’État. Son but est d’atteindre à la liberté politique complète, à la ville libre comme en Allemagne. Le mouvement économique s’en ressent comme le reste. Le capital, entouré d’une législation défiante et tatillonne, ne peut se développer qu’en dehors d’elle, dans le domaine du commerce interlocal qu’elle n’atteint pas. C’est là que se font encore quelques fortunes qui paraissent d’ailleurs moins nombreuses que celles du siècle précédent. Le patriciat local cesse de jouer un rôle dans le développement du capitalisme et devient une classe de rentiers. A côté de lui apparaissent des hommes nouveaux qui s’ingénient à tourner le protectionnisme réglementaire et dont il sera temps seulement d’étudier l’action dans la période suivante.

Cependant toutes les villes ne présentent pas le même type et le même esprit. Toutes ne sont pas dominées par la petite bourgeoisie, et là où l’industrie d’exportation produit un prolétariat, on trouve un autre spectacle. Les agitations de la démocratie florentine en sont en Italie l’exemple frappant. Ici, en effet, le régime des métiers ne peut s’implanter aussi simplement qu’ailleurs. Le groupe de ceux de la laine et autres industries d’exportation est trop fort. Il lui faut une place particulière. En fait, à partir de 1282, la noblesse est exclue du gouvernement de Florence par la constitution qui appelle au pouvoir les six priori delle arte, pris parmi les douze grands métiers, un pour chacun des six quartiers de la ville, et changeant tous les deux mois. C’est un gouvernement de marchands et de fabricants, le gouvernement du popolo grasso. Mais le popolo minuto est socialement opprimé. En 1341, il appuie Gauthier de Brienne qui renverse les ploutocrates dominants et s’impose comme tyran pour être chassé deux ans après. Le popolo grasso reprend alors le pouvoir. Il est violemment renversé