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Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/340

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Constantinople venaient d’arriver en Italie et, une fois de plus, cherchaient à obtenir le secours de l’Occident contre les Turcs en promettant l’union de l’Église grecque. Le pape convoqua aussitôt le Concile à Ferrare, puis à Florence, pour délibérer sur cette proposition, va-tout fallacieux du désespoir que l’on feignit ou que l’on se persuada de prendre au sérieux. Une partie des pères répondit à son appel et la proclamation de l’union, le 5 juillet 1439, lui valut momentanément (l’Église orientale devait le condamner quatre ans plus tard) un éclatant succès. L’opposition restée à Bâle était désormais discréditée. Elle chercha à cacher sa faiblesse par sa violence. Le 5 juin 1439, elle déposait Eugène IV et nommait à sa place Félix V que personne ne prit au sérieux en Europe et qui est le dernier des anti-papes. Obstiné dans une résistance désormais sans espoir, le Concile traîna encore dix ans une existence obscure, pour se dissoudre enfin le 25 avril 1439. Félix V abdiqua et reprit son rang parmi les cardinaux. La grande crise que la papauté venait de traverser était close, et elle se fermait par sa victoire. De l’œuvre du Concile rien ne subsistait. L’Église conservait sa forme monarchique. Après tant de travaux et d’espoirs, on en revenait au point de départ.

Quelque chose restait pourtant de toute cette agitation qui avait paru un instant devoir donner une forme nouvelle au catholicisme, quelque chose que personne n’avait voulu dans l’Église : l’indépendance croissante des États en matière ecclésiastique. Les différends des papes et du Concile avaient permis aux princes, que les deux parties avaient un égal intérêt à ménager, de limiter l’intervention de Rome dans leurs États et d’acquérir une part d’influence dans le recrutement et la discipline du clergé national. La pragmatique sanction proclamée par Charles VII en 1438 et dans laquelle on peut voir le point de départ des fameuses franchises gallicanes de l’Église de France, est le résultat le plus remarquable de ces conjonctures. La papauté restait maîtresse dans l’Église. Mais l’Église n’était plus ce qu’elle avait été au Moyen Age. Elle cessait d’étendre son autorité au domaine temporel comme au domaine spirituel. Elle se repliait en quelque sorte sur elle-même et, si l’on peut dire, se spécialisait dans son rôle religieux. Après l’empereur, le pape à son tour disparaissait comme pouvoir universel de la scène du monde. Depuis le milieu du xve siècle, il n’y aura plus d’anti-pape. Mais aussi, après la déposition par Paul II du roi de Bohême, Georges Podiébrad, en 1466, on ne verra plus de papes soumettre à leur arbitrage les querelles des rois.