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de Jean Ziska et de Procope sur la chevalerie allemande lancée contre eux par le pape et Sigismqnd, rappellent invinciblement aux fidèles celles de David ou de Gédéon sur les Amalécites[1].

Le péril hussite était invoqué par tous ceux qui, dans l’Église, réclamaient la réunion d’un nouveau concile. Martin V réussit à temporiser ; son successeur Eugène IV (1431-1437), maîtrisé par les circonstances et par l’opinion, s’exécuta. Le Concile s’ouvrit à Bâle en juillet 1431. Deux grandes questions s’imposaient à ses travaux. L’hérésie de Bohême et la réforme de l’Église. Les événements lui permirent de résoudre la première.

Le radicalisme religieux et social des Taborites avait fini par provoquer entre eux et les Utraquistes une rupture définitive. La noblesse, presque tout entière avait passé à ceux-ci et leur avait procuré à Lipan, le 30 mars 1434, une sanglante victoire. La Bohême, épuisée par la guerre, ne demandait plus que le repos et les négociations entamées entre le Concile et les Utraquistes aboutirent enfin à une solution assez obscure dont les deux parties se contentèrent (1436). Les difficultés furent tournées plutôt que résolues. Tant d’efforts, tant d’enthousiasme, tant de sang répandu ne profitèrent en somme qu’à la noblesse tchèque qui se partagea les biens des couvents. Au prix de la spoliation de l’Église, elle se réconcilia avec elle. La puissance qu’elle acquit ainsi devait rendre désormais peu dangereux les sectateurs découragés subsistant parmi le peuple. On compta sur le temps pour en finir.

Quant à la réforme de l’Église, on put croire tout d’abord qu’elle allait vraiment cette fois s’accomplir suivant le programme qu’avait jadis exposé à Constance les Pierre d’Ailly et les Gerson. La majorité des pères semblait décidée à remplacer la constitution monarchique du catholicisme par une constitution conciliaire. Plus énergiquement qu’à Constance, elle proclama la supériorité du concile sur le pape et déjoua énergiquement les efforts d’Eugène IV pour dissoudre l’assemblée. Non contente de supprimer les abus financiers de la curie, d’amender les mœurs du clergé, d’imposer la résidence aux dignitaires ecclésiastiques, de combattre la simonie et d’interdire l’accumulation de bénéfices, elle manifesta, à l’égard du pape, un esprit de défiance et de contrôle si révolutionnaire que la division finit par se glisser dans ses rangs. Eugène en profita utilement. L’empereur Jean VII Paléologue et le patriarche de

  1. Voyez p. 370.