Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/348

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le 22 juillet 1338, Édouard III débarquait à Anvers avec l’intention de porter de grands coups. Mais ses alliés manquaient complètement d’enthousiasme. Louis de Bavière se borna à lui décerner le titre de vicaire de l’Empire et ne bougea pas. Le duc de Brabant, le comte de Hainaut-Hollande Guillaume III, qui venait de succéder à son père, cherchaient visiblement à échapper à leurs engagements. Pour entraîner de tels auxiliaires dans une lutte qui n’était pour eux qu’une occasion de subsides, il eût fallu payer, payer toujours, et Édouard surchargé de dettes venait de faire banqueroute, entraînant dans la ruine ses prêteurs florentins ! Heureusement, pour obliger le comte de Flandre à se jeter de son côté, il venait, renouvelant une tactique qui avait déjà réussi dans les démêlés de l’Angleterre avec le comte, de prohiber l’exportation des laines indispensables à la draperie de Gand, de Bruges et d’Ypres. Malgré la crise provoquée par cette mesure, Louis de Nevers était resté inébranlable dans sa fidélité à la France. Mais les métiers et les marchands des villes n’entendaient pas se laisser ruiner ou affamer et puisque leur prince préférait à leur cause celle de son suzerain, ils se chargèrent eux-mêmes de leur salut. Gand, où dominaient depuis quelques années les métiers de la draperie, avait pris, sous la direction d’un riche bourgeois Jacques van Artevelde, la direction du comté. Artevelde se mit en rapports avec Édouard ; l’embargo sur les laines fut levé et, pour faire disparaître les scrupules qui eussent pu retenir les bourgeois d’abandonner Philippe VI, leur suzerain, Édouard vint à Gand et, sur le marché du Vendredi, se fit solennellement reconnaître lui-même comme roi de France. Ainsi, entre sa politique royale et dynastique et la politique bourgeoise et économique des villes flamandes, la solidarité des intérêts nouait une alliance à laquelle la Flandre devait se montrer inébranlablement fidèle. Dans ce pays essentiellement industriel, et où dominait la bourgeoisie, la politique, plus tôt que partout ailleurs dans le nord de l’Europe, se subordonnait aux considérations économiques.

L’entrée de la Flandre dans l’alliance anglaise assurait à Édouard une base solide dans le nord. Jusque-là, la guerre s’était traînée le long de la frontière de France, en escarmouches et en incendies de villages. Cependant que des cardinaux envoyés d’Avignon cherchaient vainement à négocier une paix dont on ne parlait avec eux que pour gagner du temps. Les opérations allaient enfin pouvoir prendre l’envergure rêvée par Édouard. Il courut en Angle-