Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/349

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 332 —

terre demander au Parlement les subsides que sa banqueroute rendait indispensables et que l’état des affaires lui fit accorder. Le 23 juin 1340, sa flotte remportait devant l’Écluse une brillante victoire sur la flotte française, puis, en compagnie des milices flamandes et avec l’aide des princes que ce beau succès encourageait, il entreprit le siège de Tournai (22 juillet-septembre) qui échoua d’ailleurs et aboutit à la Trêve d’Esplechin, successivement prolongée durant les années suivantes.

Ainsi, malgré le concours de la Flandre, le plan d’attaque par le nord n’avait pas réussi. Van Artevelde périssait en 1345 dans une émeute fomentée contre lui par les tisserands gantois. La coalition des princes se défaisait. Louis de Bavière, sans rendre l’argent qu’il avait touché, passait même à Philippe VI, pour lequel il devait être d’ailleurs un allié aussi nul qu’il l’avait été pour Édouard. Des deux belligérants, la situation de France semblait la meilleure. Elle profitait de la trêve pour s’agrandir sur sa frontière orientale. En 1343, elle achetait à deniers comptants le Dauphiné au dauphin Humbert II, dont le titre resta depuis lors attaché à l’héritier de la couronne.

La trêve n’empêcha pas Édouard III de venir en Bretagne au secours de la comtesse de Montfort qui disputait le duché à Charles de Blois, soutenu par la France, et d’envoyer le comte de Derbi assaillir la Gascogne. En 1346, il débarquait subitement en Normandie. Ce fut le point de départ d’un revirement complet. Une tactique nouvelle, appuyée sur le rôle des archers durant la bataille, allait procurer aux Anglais une série de victoires éclatantes. La composition purement nationale de l’armée d’Édouard III doit aussi lui avoir valu, sur un adversaire employant largement des mercenaires étrangers, la même force qu’elle devait donner au xvie siècle aux armées espagnoles. La journée de Crécy (26 août) prouve ces qualités. Malgré l’avantage du nombre, les Français s’y virent infliger une défaite « moulte grande et moult horrible » (Froissart). Le roi de Bohême, le comte de Flandre et quantité d’autres grands seigneurs restèrent parmi les morts. Le vainqueur profita de ce succès inespéré pour assiéger Calais qui fut prise après un siège de onze mois et qui ne devait revenir à la France qu’en 1558. Quelques semaines après Crécy, David Bruce rentré en Écosse avait été battu et fait prisonnier à Nevil’s Cross (17 octobre). Les Anglais triomphaient partout. Mais, de part et d’autre, on éprouvait également le besoin de respirer. A l’intervention du