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fut détrônée et Charles se proclama lui-même roi des Lombards. Didier, après une longue résistance dans Pavie, fut envoyé dans un monastère.

Ainsi l’État lombard, dont la naissance avait mis fin à l’unité politique de l’Italie, attira sur elle, en mourant, la conquête étrangère. Elle n’était plus désormais qu’un appendice de la monarchie franque et elle ne devait s’en détacher, à la fin du ixe siècle, que pour tomber bientôt après sous la domination allemande. Par un renversement complet du cours de l’histoire, elle qui s’était jadis annexé le nord de l’Europe, était maintenant annexée par lui et cette destinée n’est en un certain sens qu’une conséquence des bouleversements politiques qui avaient transporté de la Méditerranée au nord de la Gaule le centre de gravité du monde occidental.

Et pourtant, c’est Rome, mais la Rome des papes, qui a décidé de son sort. On ne voit pas quel intérêt aurait poussé les Carolingiens à attaquer et à conquérir le royaume lombard, si leur alliance avec la papauté ne les y avait contraints. L’influence que l’Église, débarrassée de la tutelle de Byzance, va désormais exercer sur la politique de l’Europe, apparaît ici pour la première fois en pleine lumière. L’État ne peut désormais se passer de l’Église ; entre elle et lui se forme une association de services mutuels qui, les mêlant sans cesse l’un à l’autre, mêle aussi continuellement les questions spirituelles aux questions temporelles et fait de la religion un facteur essentiel de l’ordre politique. La reconstitution de l’Empire romain, en 800, est la manifestation définitive de cette situation nouvelle et le gage de sa durée dans l’avenir.

II. — L’Empire

Élargi par la conquête à l’est jusqu’à l’Elbe et au Danube, au sud jusqu’à Bénévent et jusqu’à l’Èbre, la monarchie franque, à la fin du viiie siècle, renferme à peu près tout l’Occident chrétien. Les petits royaumes anglo-saxons et espagnols, qu’elle n’a pas absorbés, ne sont qu’une quantité négligeable et ils lui prodiguent d’ailleurs les témoignages d’une déférence qui, pratiquement, équivaut à la reconnaissance de son protectorat. En fait, la puissance de Charles s’étend à tous les pays et à tous les hommes qui reconnaissent dans le pape de Rome le vicaire du Christ et le chef de l’Église. En dehors d’elle, ou c’est le monde barbare du