Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/74

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 57 —

tiques. L’idée du contrôle administratif qui fut réalisée par la création des missi dominici, commissaires itinérants chargés de surveiller la conduite des fonctionnaires, est très probablement aussi un emprunt fait à l’Église et adapté aux nécessités de l’État.

Le besoin d’amélioration et de réformes qui caractérise toute l’œuvre législative de Charles n’est d’ailleurs que la continuation ou, pour mieux dire, que l’efflorescence de tentatives que l’on surprend déjà chez Pépin le Bref. Celui-ci avait songé à remédier au chaos dans lequel était tombée l’organisation monétaire. Charles réalisa l’œuvre commencée. Il abandonna définitivement la frappe de l’or devenu trop rare en Occident pour pouvoir alimenter les ateliers monétaires. Il n’y eût plus depuis lors que des monnaies d’argent ; le rapport qu’il fixa entre elles est resté en usage dans toute l’Europe jusqu’à l’adoption du système métrique et continue à exister dans l’Empire anglais. L’unité en est la livre, divisée en 20 sous comprenant chacun 12 deniers. Seuls les deniers sont des monnaies réelles : le sou et la livre ne servent que comme monnaies de compte, et il en devait être ainsi jusqu’aux grandes réformes monétaires du xiiie siècle.

Il est naturellement impossible de songer à donner ici ne fût-ce qu’une idée approximative du contenu des capitulaires. Pour la plus grande partie, ils indiquent plutôt un programme que des réformes effectives, et on se tromperait fort en croyant que leurs innombrables décisions aient pu être réalisées. Celles même qui l’ont été, comme par exemple l’institution des tribunaux d’échevins, sont bien loin d’avoir pénétré dans toutes les parties de l’Empire. Tels qu’ils sont, les capitulaires restent le plus beau monument que nous ait conservé l’époque carolingienne. Mais évidemment les forces de la monarchie ne répondaient pas à ses intentions. Le personnel dont elle disposait était insuffisant et, surtout, elle trouvait dans la puissance de l’aristocratie, une limite qu’elle ne pouvait ni franchir, ni supprimer. L’accomplissement de l’idéal politico-religieux du carolingien requérait une puissance, une autorité et des ressources dont la constitution sociale et économique de l’époque ne lui permettait pas de disposer.