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de dégrader davantage le titre qu’avait inauguré Charlemagne et, en fait, il ne roula pas plus bas dans l’abjection. Après l’assassinat de Bérenger de Frioul (924), il ne devait plus y avoir d’empereur jusqu’au couronnement d’Othon Ier (962).

III. — Les ennemis du dehors

Les ennemis, Normands et Arabes, dont l’Empire eût si cruellement à souffrir au IXe siècle, ne l’attaquèrent point à cause de sa faiblesse et ne dirigèrent pas, de propos délibéré, leurs coups contre lui. Le champ d’action des premiers dans les mers du Nord, des seconds dans la Méditerranée, dépassait de beaucoup les rivages de l’État carolingien ; les agressions dont il fut l’objet ne constituent en somme qu’un épisode dans l’histoire d’incursions maritimes auxquelles il ne put échapper mais dont il ne fut ni le but unique, ni même, du moins au début, le but principal.

Les progrès des Arabes dans la Méditerranée occidentale, au commencement du ixe siècle, ne se rattachent plus au grand mouvement d’expansion religieuse qui avait suivi la mort de Mahomet. L’unité politique de l’Islam était brisée depuis que le khalife de Bagdad n’était plus reconnu par tous les croyants. En Espagne, dès la fin du viiie siècle, un nouveau khalifat s’était érigé sous les Ommiades. En Afrique, les Berbères du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie étaient en fait indépendants. Définitivement établis dans leurs nouvelles conquêtes, ces Musulmans d’Espagne et d’Afrique tournèrent leur activité vers la mer. Tunis, fondé à côté des ruines de Carthage, regardait comme elle la Sicile et, de même que les Carthaginois dans l’Antiquité, les Tunisiens cherchèrent bientôt à s’emparer de cette belle île dont, au cours de l’histoire, l’Europe et l’Afrique se sont toujours disputé la possession. Les Byzantins ne purent défendre énergiquement cette province trop lointaine. De 837 à 878, ils furent peu à peu refoulés vers le détroit de Messines et enfin obligés de se replier sur la côte italienne. Déjà en possession des Baléares, de la Corse et de la Sardaigne, les Musulmans détenaient maintenant toutes les îles de la Méditerranée. Elles leurs servirent de stations navales et de bases d’attaque contre les côtes continentales. De la Sicile des expéditions furent dirigées vers la Calabre et aboutirent à la conquête de Bari et de Tarente. D’autres flottes harcelèrent les rivages d’Italie centrale. Le pape Léon IV fut obligé de mettre ce qui