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Le marchand vénitien emprunte à un capitaliste, moyennant un intérêt qui se monte en général à 20 %, les sommes nécessaires à la constitution d’une cargaison. Un navire est frété par plusieurs marchands agissant en commun. Les dangers de la navigation ont pour conséquence que les expéditions maritimes se font par flottilles renfermant plusieurs navires, pourvus de nombreux équipages soigneusement armés[1]. Tout indique que les bénéfices sont extrêmement abondants. Si, à cet égard, les documents vénitiens ne nous offrent guère de précisions, nous pouvons suppléer à leur silence grâce aux sources génoises. Au xiie siècle, le prêt maritime, l’équipement des bateaux, les formes du négoce sont les mêmes de part et d’autre[2]. Ce que nous savons des énormes bénéfices réalisés par les marins génois, doit donc être vrai également de leurs précurseurs de Venise. Et nous en savons assez pour pouvoir affirmer que le commerce et le commerce seul a pu, d’un côté comme de l’autre, donner d’abondants capitaux à ceux dont la chance a favorisé l’énergie et l’intelligence[3].

Mais le secret de la fortune si rapide et si hâtive des marchands vénitiens se trouve incontestablement dans l’étroite parenté qui relie leur organisation commerciale à celle de Byzance et par Byzance à l’organisation commerciale de l’Antiquité. En réa-

  1. R. Heynen, ibid., p. 65.
  2. Eugène-H. Byrne, Commercial contracts of the Genoese in the Syrian trade of the twelfth century (The quarterly Journal of Economics, 1916, p. 128) ; Genoese trade with Syria in the twelfth century (American Historical Review, 1920, p. 191).
  3. R. Heynen, Zur Entslehung des Kapitalismus in Venedig, p. 18 ; H. Sieveking, Die Kapitalistische Entwicklung in den italienischen Staaten des Mittelalters (Vierteljahrschrift für Social und Wirtschaftsgeschichte, 1909, p. 15).