Page:Pirenne - Les Villes du Moyen Âge, 1927.djvu/100

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Cassiodore, au vie siècle, décrit déjà les Vénitiens comme un peuple de marins et de marchands. Au ixe siècle, nous savons avec certitude que de très grandes fortunes s’étaient édifiées dans la ville. Les traités de commerce qu’elle conclut dès lors avec les empereurs carolingiens ou avec ceux de Byzance ne peuvent, au surplus, laisser aucun doute sur le genre de vie de ses habitants. On ne possède par malheur aucune donnée sur la manière dont ils accumulèrent leurs capitaux et pratiquèrent leur négoce. Il est infiniment probable que le sel, préparé dans les îlots de la lagune, fut de très bonne heure l’objet d’une exportation lucrative. Le cabotage le long des côtes de l’Adriatique et surtout les relations de la ville avec Constantinople fournirent des bénéfices plus abondants encore. On est frappé de voir combien l’exercice du négoce vénitien est déjà perfectionné dès le xe siècle[1]. À une époque où dans tout le reste de l’Europe, l’instruction est le monopole exclusif du clergé, la pratique de l’écriture est largement répandue à Venise, et il est impossible de ne point mettre ce curieux phénomène en rapports avec le développement commercial.

On peut supposer encore avec une grande vraisemblance que le crédit a contribué de très bonne heure à le faire parvenir au point qu’il a atteint. Sans doute, nos renseignements à cet égard ne sont pas plus anciens que le commencement du xie siècle. Mais la coutume du prêt maritime paraît déjà tellement développée à cette époque, qu’il est nécessaire d’en faire remonter l’origine à une date plus avancée.

  1. R. Heynen, Zur Entstehung des Kapitalismus in Venedig, p. 81.