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mique. Dans le reste de l’Europe, la profession commerciale s’est tardivement dégagée d’une civilisation où toute trace s’en était perdue depuis longtemps. À Venise, elle est contemporaine de la formation de la cité ; elle y est une survivance du monde romain.

Venise a certainement exercé une action profonde sur les autres villes maritimes qui, dans le courant du xie siècle, ont commencé à se développer : Pise et Gênes tout d’abord, plus tard Marseille et Barcelone. Mais elle ne semble pas avoir contribué à la formation de la classe marchande grâce à laquelle l’activité commerciale s’est peu à peu répandue des côtes de la mer dans l’intérieur du continent. On se trouve ici en présence d’un phénomène tout différent et que rien ne permet de rattacher à l’organisation économique de l’Antiquité. Sans doute, on rencontre de bonne heure des marchands vénitiens en Lombardie et au Nord des Alpes. Mais on ne voit pas qu’ils aient fondé nulle part de colonies. Les conditions du commerce terrestre sont d’ailleurs trop différentes de celles du commerce maritime pour que l’on puisse être tenté de leur attribuer une influence qu’aucun texte au surplus ne nous révèle.

C’est dans le courant du xe siècle que s’est reconstituée dans l’Europe continentale, une classe de marchands professionnels dont les progrès, très lents au début, s’accélèrent à mesure que l’on s’avance dans le siècle suivant[1]. L’augmentation de la population, qui commence à se manifester

  1. H. Pirenne, Les périodes de l’histoire sociale du capitalisme (Bulletin de l’Académie Royale de Belgique, Classe des Lettres, 1914, p. 258).