Page:Pirenne - Les Villes du Moyen Âge, 1927.djvu/111

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C’est donc le grand commerce ou, si l’on préfère un terme plus précis, le commerce à longue distance qui a été la caractéristique de la renaissance économique du Moyen Âge. De même que la navigation de Venise et d’Amalfi et plus tard celle de Pise et de Gênes se lancent dès le début dans des traversées au long cours, de même les marchands du continent promènent leur vie vagabonde à travers de larges espaces[1]. C’était là pour eux, le seul moyen de réaliser des bénéfices considérables. Pour obtenir de hauts prix, il était nécessaire d’aller chercher au loin les produits que l’on y trouvait en abondance, afin de pouvoir les revendre ensuite avec profit, aux lieux où leur rareté en augmentait la valeur. Plus était lointain le voyage du marchand, plus aussi il était profitable. Et l’on s’explique sans peine que l’appât du gain ait été assez puissant pour contre-balancer les fatigues, les risques et les dangers d’une existence errante et livrée à tous les hasards. Sauf pendant l’hiver, le marchand du Moyen Âge est continuellement en route. Des textes anglais du xiie siècle le désignent pittoresquement sous le nom de « pieds poudreux » (pedes pulverosi[2]).

Cet être errant, ce vagabond du commerce a dû

  1. Voy. le texte cité p. 102 n., et ajoutez ce passage de Galbert, de Bruges, éd. Pirenne, p. 152, reproduisant les griefs des Brugeois contre le comte Guillaume de Normandie : « Nos in terra hac clausit ne negociari possemus, imo quicquid hactenus possedimus, sine lucro, sine negociatione, sine acquisitione rerum consumpsimus ».
  2. Ch. Gross, The court of piepowder (The Quarterly Journal of Economics, 1906, p. 231). Il y est question de l’ « extraneus mercator vel aliquis transiens per regnum non habens certam mansionem infra vicecomitatum sed vagans, qui vocatur piepowdrous ».