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traces au cours du xe siècle[1]. Il est fort probable que, de très bonne heure, elle s’est introduite dans la pratique judiciaire, tout au moins pour les procès entre marchands. Elle doit avoir constitué pour eux une sorte de droit personnel dont les juges n’avaient aucun motif de leur refuser le bénéfice[2]. Les textes qui y font allusion ne nous permettent pas malheureusement d’en connaître le contenu. C’était, à n’en pas douter, un ensemble d’usages nés de l’exercice du négoce et qui se répandirent de proche en proche au fur et à mesure que celui-ci prit plus d’extension. Les grandes foires où se rencontraient périodiquement des marchands de divers pays et dont on sait qu’elles étaient pourvues d’un tribunal spécial chargé de faire prompte justice, auront sans nul doute vu s’élaborer tout d’abord une sorte de jurisprudence commerciale, partout la même en son fond, malgré la différence des pays, des langues et des droits nationaux.

Le marchand apparaît ainsi, non seulement comme un homme libre mais encore comme un privilégié. De même que le clerc et que le noble il jouit d’un droit d’exception. Il échappe comme eux au pouvoir domanial et au pouvoir seigneurial qui continuent à s’appesantir sur les paysans.


  1. H. Pirenne, Ibid., p. 30 ; Goldchmidt, Universalgeschichte des Handelsrecht, p. 125. Les Usatici de Barcelone (1064) parlent d’un droit expéditif applicable aux étrangers. Nul doute que ces étrangers ne soient des marchands. Cf. Schaube, op. cit., p. 103.
  2. Alpert, De diversitate temporum. Mon. Germ. Hist. Script., t. IV, p. 718, parle des marchands de Tiel « judicia non secundum legem sed secundum voluntatem decernentes ».