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s’efforcèrent-elles énergiquement de le sauvegarder. Elles ne manquèrent jamais de combattre toute tentative d’introduire l’industrie dans le plat-pays. Elles veillèrent jalousement sur le monopole qui garantissait leur existence. Il faut attendre l’époque moderne pour qu’elles se résignent à renoncer à un exclusivisme désormais incompatible avec le progrès économique[1].

La bourgeoisie dont nous venons d’esquisser la double activité commerciale et industrielle se trouva dès l’abord aux prises avec des difficultés multiples dont elle ne triompha qu’à la longue. Rien n’était préparé pour la recevoir dans les cités et dans les bourgs où elle s’établit. Elle dut y apparaître comme une cause de perturbation, et l’on pourrait être tenté de dire qu’elle y fut accueillie très souvent en indésirable. Il lui fallut tout d’abord s’arranger avec les propriétaires du sol. Tantôt c’était l’évêque, tantôt un monastère, tantôt un comte ou un seigneur qui y possédait la terre et y exerçait la justice. Il arrivait même fréquemment que l’espace occupé par le portus ou le nouveau bourg relevât par parties de plusieurs juridictions et de plusieurs domaines. Il était destiné à l’agriculture, et l’immigration des nouveaux venus le transformait tout à coup en terrain à bâtir. Il fallut un certain temps avant que ses détenteurs s’aperçussent du profit qu’ils pouvaient en retirer. Au début, ils ressentirent surtout les inconvénients de l’arrivée de ces colons adonnés à un genre de vie qui heurtait les habitudes ou qui choquait les idées traditionnelles.

Des conflits éclatèrent tout de suite. Ils étaient

  1. H. Pirenne, Les anciennes démocraties des Pays-Bas}}, p. 225.