Page:Pirenne - Les Villes du Moyen Âge, 1927.djvu/143

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inévitables si l’on songe que les arrivants, en leur qualité d’étrangers, n’étaient guère enclins à tenir compte d’intérêts, de droits, de coutumes qui les gênaient. On dut leur faire place tant bien que mal, et à mesure que leur nombre alla croissant, leurs empiétements devinrent de plus en plus hardis.

En 1099, à Beauvais, le Chapitre devait intenter un procès aux teinturiers qui avaient tellement encombré le cours de la rivière, que ses moulins ne pouvaient plus fonctionner[1]. Ailleurs, on voit un évêque ou un monastère contester aux bourgeois les terres qu’ils occupent. De gré ou de force pourtant, il fallut s’entendre. À Arras, l’abbaye de Saint-Vaast finit par céder ses « cultures » et à les répartir par parcelles[2]. On constate des faits analogues à Gand, à Douai, et l’on peut certainement admettre la généralité d’arrangements de ce genre en dépit de la pénurie de nos renseignements. Jusqu’à nos jours, les noms des rues rappellent dans quantité de villes, la physionomie agricole qu’elles présentèrent au début. À Gand, par exemple, l’une des artères principales est encore désignée sous le nom de « rue des Champs » (Veldstraat) et l’on rencontre dans ses environs la place du Kouter (cultura)[3].

  1. H. Labande, Histoire de Beauvais, p. 55 (Paris, 1892).
  2. Voy. les textes très instructifs de Guiman, Cartulaire de Saint-Vaast d’Arras, éd. Van Drival (Arras, 1875). Au commencement du xiie siècle, l’abbaye divise en mansiones et hostagia son jardin, son verger, sa léproserie ainsi que le vicus Ermenfredi (p. 155, 157, 162).
  3. Pour la condition de la propriété foncière dans les villes, voy. G. Des Marez, Étude sur la propriété foncière dans les villes du Moyen Âge et spécialement en Flandre (Gand, 1898). La plus ancienne mention que je connaisse de l’affranchissement du sol urbain remonte au commencement du xie siècle.