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À la variété des propriétaires répondait la variété des régimes auxquels les terres étaient soumises. Les unes étaient astreintes à des cens et à des corvées, d’autres à des prestations destinées à l’entretien des chevaliers qui formaient la garnison permanente du vieux bourg, d’autres encore à des droits perçus par le châtelain, par l’évêque ou par l’avoué à titre de seigneurs haut-justiciers. Toutes, en somme, portaient la marque d’une époque dans laquelle l’organisation économique comme l’organisation politique avaient été fondées exclusivement sur la possession du sol. À cela s’ajoutaient les formalités et les taxes exigées par la coutume lors de la transmission des immeubles et qui en compliquaient singulièrement, s’ils n’en rendaient pas impossible, la vente et l’achat. Dans de telles conditions, la terre, immobilisée par la lourde armature des droits acquis qui pesaient sur elle, ne pouvait entrer dans le commerce, acquérir une valeur marchande ou servir de base au crédit.

La multiplicité des juridictions compliquait encore une situation déjà si embrouillée. Il était bien rare que le sol occupé par les bourgeois ne relevât que d’un seul seigneur. Chacun des propriétaires entre lesquels il se répartissait possédait sa cour domaniale seule compétente en matière foncière. Quelques-unes de ces cours exerçaient en outre soit la haute, soit la basse justice. L’enchevêtrement des compétences aggravait donc encore celui des juridictions. Il se faisait que le même homme dépendait à la fois de plusieurs tribunaux suivant qu’il était question de dettes, de crimes ou tout simplement de possession de terre. Les difficultés