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que, sous la direction des marchands les plus riches de la ville, le peuple s’insurgea, s’empara des portes et proclama la « commune » (communio). Les pauvres, les artisans, les tisserands surtout se lancèrent d’autant plus passionnément dans la lutte qu’un prêtre réformateur appelé Ramihrdus, leur dénonçait l’évêque comme simoniaque et excitait au fond de leur cœur, le mysticisme qui a la même époque, soulevait les Patarins lombards. Comme en Italie la ferveur religieuse communiqua sa force aux revendications politiques et la commune fut jurée au milieu de l’enthousiasme général[1].

Cette commune de Cambrai est la plus ancienne de toutes celles que l’on connaît au Nord des Alpes. Elle apparaît comme une organisation de lutte et une mesure de salut public. Il fallait s’attendre, en effet, au retour de l’évêque et se préparer à lui tenir tête. La nécessité d’une action unanime s’imposait. Un serment fut exigé de tous, établissant entre tous la solidarité indispensable, et c’est cette association jurée par les bourgeois, à la veille d’une bataille, qui constitue le trait essentiel de cette première commune.

Son succès d’ailleurs ne fut qu’éphémère. L’évêque, à la nouvelle des événements, se hâta d’accourir et il parvint à restaurer momentanément son autorité. Mais l’initiative des Cambrésiens leur suscita sans retard des imitateurs. Les années suivantes sont marquées par la constitution de communes dans la plupart des cités de la France du Nord : à Saint-Quentin vers 1080, à Beauvais vers 1099, à Noyon en 1108-1109, à Laon en 1115. Pendant les premiers temps, la bourgeoisie et les

  1. Reinecke, Geschichte der Stadt Cambrai (Marburg, 1896).