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évêques vécurent en état d’hostilité permanente et pour ainsi dire sur pied de guerre. La force seule pouvait l’emporter entre des adversaires également convaincus de leur bon droit. Ives de Chartres exhorte les évêques à ne pas céder et considère comme nulles les promesses que, sous la pression de la violence, il leur arrive de faire aux bourgeois[1]. Guibert de Nogent, de son côté, parle avec un mépris haineux de ces « communes pestilentielles » que les serfs érigent contre leurs seigneurs pour se soustraire à leur autorité et leur arracher les droits les plus légitimes[2].

Malgré tout cependant, les communes l’emportèrent. Non seulement elles avaient la force que donne le nombre, mais la royauté, qui en France, à partir du règne de Louis VI, commence à regagner le terrain perdu par elle, s’intéresse à leur cause. De même que les papes, dans leur lutte contre les empereurs allemands, s’étaient appuyés sur les Patarins de Lombardie, de même les monarques capétiens du xiie siècle favorisèrent l’effort des bourgeoisies.

Sans doute il ne peut être question de leur attribuer une politique de principe. À première vue leur conduite semble pleine de contradictions. Il n’en est pas moins vrai que l’on y relève une tendance générale à prendre le parti des villes. L’intérêt bien entendu de la couronne lui commandait trop impérieusement de soutenir les adversaires de la haute féodalité pour qu’elle n’ait pas accordé son

  1. Labande, Histoire de Beauvais, p. 55.
  2. Guibert de Nogent, De vita sua, éd. G. Bourgin, p. 156 (Paris, 1907).