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population bourgeoise. On peut affirmer sans crainte d’exagérer que dans le courant du xie siècle, les chefs de la gilde remplissent, en fait, dans chaque ville, les fonctions de magistrats communaux.

Ce furent eux aussi, sans doute, qui intervinrent auprès des comtes de Flandre pour les intéresser au développement et à la prospérité des villes. Dès 1043, Baudouin V obtient des moines de Saint-Omer la concession du fond sur lequel les bourgeois construisent leur église. À partir du règne de Robert le Frison (1071-1093), des exemptions de tonlieu, des concessions de terre, des privilèges limitant la juridiction épiscopale ou allégeant le service militaire furent octroyés en nombre déjà considérable aux villes en formation. Robert de Jérusalem gratifie la ville d’Aire de « libertés » et exempte en 1111 les bourgeois d’Ypres du duel judiciaire.

Il résulte de tout cela que peu à peu la bourgeoisie apparaît comme une classe distincte et privilégiée au milieu de la population du comté. De simple groupe social adonné à l’exercice du commerce et de l’industrie, elle se transforme en un groupe juridique reconnu comme tel par le pouvoir princier. Et de cette condition juridique propre va découler nécessairement l’octroi d’une organisation judiciaire indépendante.

Au droit nouveau il fallait comme organe un tribunal nouveau. Les anciens échevinages territoriaux siégeant dans les bourgs et jugeant suivant une coutume archaïque, incapable d’assouplir son formalisme rigide aux besoins d’un milieu pour lequel elle n’était pas faite, devaient céder la place à des échevinages dont les membres, recrutés