Page:Pirenne - Les Villes du Moyen Âge, 1927.djvu/173

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parable de la qualité de citoyen d’une ville qu’elle l’est de nos jours de celle de citoyen d’un État.

Avec la liberté personnelle va de pair dans la ville, la liberté du sol. La terre, en effet, dans une agglomération marchande ne peut rester immobile, retenue hors du commerce par les droits si lourds et si variés qui s’opposent à sa libre aliénation, qui l’empêchent de servir d’instrument de crédit et d’acquérir une valeur capitaliste. Cela est d’autant plus inévitable que la terre, dans la ville, change de nature. Elle est devenue un sol à bâtir. Elle se couvre rapidement de maisons serrées les unes contre les autres et qui en augmentent la valeur à mesure qu’elles se multiplient. Or, il va de soi que le propriétaire d’une maison acquière à la longue la propriété ou du moins la possession du fonds sur lequel elle est construite. Partout la vieille terre domaniale se transforme en propriété libre, en alleu censal. La tenure urbaine devient ainsi une tenure libre. Celui qui l’occupe n’est plus astreint qu’à des cens dus au propriétaire du fonds, lorsqu’il ne devient pas lui-même propriétaire. Il peut librement la transmettre, l’aliéner, la charger de rentes et la faire servir de gage aux capitaux qu’il emprunte. En vendant une rente sur sa maison, le bourgeois se procure le capital liquide dont il a besoin ; en achetant une rente sur la maison d’autrui, il s’assure un revenu proportionnel à la somme dépensée : il fait comme on dirait aujourd’hui un placement d’argent à intérêt. Comparée aux anciennes tenures féodales ou domaniales, la tenure en droit urbain, la tenure en Weichbild, en Burgrecht, comme on dit en Allemagne, en bourgage comme on dit en France, présente donc une originalité