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Page:Pirenne - Les Villes du Moyen Âge, 1927.djvu/177

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Dans ces agglomérations d’hommes de toute provenance que sont les villes, dans ce milieu où abondent les déracinés, les vagabonds et les aventuriers, une discipline rigoureuse est indispensable au maintien de la sécurité. Elle l’est également pour terroriser les voleurs et les bandits qui, dans toute civilisation, sont attirés vers les centres commerciaux. Cela est si vrai que déjà à l’époque carolingienne les cités, dans l’enceinte desquelles les gens les plus riches cherchaient un abri, apparaissent comme jouissant d’une paix spéciale[1]. C’est ce même mot de paix que l’on retrouve au xiie siècle comme désignant le droit criminel de la ville.

Cette paix urbaine est un droit d’exception, plus sévère, plus dur que celui du plat-pays. Il prodigue les châtiments corporels : pendaison, décapitation, castration, amputation de membres. Il applique dans toute sa rigueur la loi du talion : œil pour œil, dent pour dent. Il se propose évidemment de réprimer les délits par la terreur. Tous ceux qui franchissent les portes de la ville, qu’ils soient nobles, libres ou bourgeois, lui sont également soumis. Par lui, la ville se trouve pour ainsi dire en état de siège permanent. Mais en lui aussi, elle trouve un puissant instrument d’unification. Car il se superpose aux juridictions et aux seigneuries qui se partagent son sol, il leur impose à toutes sa règlementation impitoyable. Plus que la communauté des intérêts et de la résidence, il a contribué à égaliser la condition de tous les habitants fixés à l’intérieur du mur urbain. La bourgeoisie est essentiellement l’ensemble des homines pacis, des hommes de la paix. La paix de la ville (pax

  1. Capitularia regum Francorum, éd. Boretius, t. II, p. 405.