Page:Pirenne - Les Villes du Moyen Âge, 1927.djvu/176

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l’antinomie de ces vieilles prestations avec l’état de choses nouveau et ils finissent par les qualifier eux-mêmes de « rapines » et d’ « exactions ».

Comme la condition des personnes, le régime des terres et le système fiscal, le fond même du droit se transforme. La procédure compliquée et formaliste, les conjurateurs, les ordalies, le duel judiciaire, tous ces moyens de preuve primitifs qui laissent trop souvent le hasard ou la mauvaise foi décider de l’issue d’un procès, ne tardent pas à leur tour à s’adapter aux conditions nouvelles du milieu urbain. Les vieux contrats formels introduits par la coutume, disparaissent à mesure que la vie économique devient plus compliquée et plus active. Le duel judiciaire ne peut évidemment se maintenir longtemps au milieu d’une population de commerçants et d’artisans. Pareillement on remarque que, de bonne heure, la preuve par témoins se substitue devant la magistrature urbaine à la preuve par conjurateurs. Le wergeld, l’ancien prix de l’homme, fait place à un système d’amendes et de châtiments corporels. Enfin les délais judiciaires, si longs à l’origine, sont considérablement réduits. Et ce n’est pas seulement la procédure qui se modifie. Le contenu même du droit évolue parallèlement. En matière de mariage, de succession, de gage, de dettes, d’hypothèques, en matière de droit commercial surtout, toute une législation nouvelle est dans les villes en voie de formation et la jurisprudence de leurs tribunaux crée, de plus en plus abondante et précise, une coutume civile.

Le droit urbain n’est pas moins caractéristique au point de vue criminel qu’au point de vue civil.