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Page:Pirenne - Les Villes du Moyen Âge, 1927.djvu/185

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pourvu à l’apprentissage, empêché le travail des femmes et des enfants, en même temps qu’elle a réussi à réserver à la ville le monopole de fournir de ses produits les campagnes environnantes et à trouver au loin des débouchés à son commerce[1].

Tout cela aurait été impossible si l’esprit civique des bourgeoisies n’avait été à la hauteur des tâches qui s’imposaient à elles. Il faut, en effet, remonter jusqu’à l’Antiquité pour trouver autant de dévouement à la chose publique que celui dont elles ont fait preuve. Unus subveniet alteri tamquam fratri suo, que l’un aide l’autre comme un frère, dit une charte flamande du xiie siècle[2], et ces mots ont été vraiment une réalité. Dès le xiie siècle, les marchands dépensent une partie considérable de leurs profits dans l’intérêt de leurs concitoyens, fondent des hôpitaux, rachètent des tonlieux. L’amour du gain s’allie chez eux au patriotisme local. Chacun est fier de sa ville et se dévoue spontanément à sa prospérité. C’est qu’en réalité chaque existence particulière dépend étroitement de l’existence collective de l’association municipale. La commune du Moyen Âge possède, en effet, les attributions que l’État exerce aujourd’hui. Elle garantit à chacun de ses membres la sécurité de sa personne et de ses biens. En dehors d’elle, il se trouve dans un monde hostile, entouré de dangers et exposé à tous les hasards. Chez elle seulement, il est à l’abri et il

  1. On devra consulter, pour se faire une idée de la richesse de la réglementation urbaine à cet égard l’ouvrage monumental de G. Espinas, La vie urbaine de Douai au Moyen Âge (Paris, 1913, 4 vol.).
  2. Charte de la ville d’Aire, de 1188. Warnkoenig, Flandrische Staats und Rechtsgeschichte, t. III, appendice, p. 22 (Tubingen, 1842).