Sa situation est d’autant plus favorable que tout le surcroît des revenus du sol lui appartient en propre. Car les droits du seigneur étant fixés par la coutume domaniale à un taux immuable, l’augmentation de la rente foncière ne profite qu’au tenancier.
Mais le seigneur dispose lui aussi des moyens de bénéficier de la situation nouvelle où la formation des villes place les campagnes. Il possède d’énormes réserves de terrains incultes, bois, landes, marais ou bruyères. Rien de plus indiqué que de les mettre en culture et de participer ainsi, grâce à eux, à ces débouchés nouveaux qui deviennent de plus en plus rémunérateurs à mesure que les villes grandissent et se multiplient. L’accroissement de la population fournira les bras nécessaires aux travaux de défrichement et d’assèchement. Il suffit d’appeler des hommes : ils ne manqueront pas de se présenter. Dés la fin du xie siècle, le mouvement apparaît déjà en pleine vigueur. Des monastères, des princes territoriaux transforment dès lors les parties stériles de leurs domaines en terres de rapport. La surface du sol cultivé qui, depuis la fin de l’Empire romain, n’a plus augmenté, va s’élargissant sans cesse. Les bois s’éclaircissent. L’ordre de Cîteaux entre dès son origine dans la voie nouvelle. Au lieu de conserver pour ses terres la vieille organisation domaniale, il se plie intelligemment à l’état de choses nouveau. Il adopte le principe de la grande culture, et, suivant les régions, s’attache à la production la plus rémunératrice. En Flandre, où les besoins des villes sont d’autant plus nombreux qu’elles sont plus riches, il pratique l’élève du gros bétail. En Angleterre, il se consacre spécialement à celui des moutons, dont ces mêmes villes de Flandre consomment la