Page:Pirenne - Les Villes du Moyen Âge, 1927.djvu/191

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

laine en quantités de plus en plus considérables.

Cependant, de tous côtés, seigneurs laïques ou ecclésiastiques fondent des « villes neuves ». On appelle ainsi un village établi en terrain vierge et dont les occupants recevront des lots de terre moyennant une rente annuelle. Mais ces villes neuves, dont le nombre ne cesse de grandir dans le courant du xiie siècle, sont en même temps des « villes libres ». Car, pour attirer les cultivateurs, le seigneur leur promet l’exemption des charges qui pèsent sur les serfs. Il ne se réserve en général sur eux que la juridiction. Il abolit en leur faveur les vieux droits qui subsistent encore dans l’organisation domaniale. La charte de Lorris (1155) dans le Gâtinais, celle de Beaumont en Champagne (1182), celle de Prisches dans le Hainaut (1158) nous fournissent des types particulièrement intéressants de chartes de villes neuves et qui se sont largement répandues dans les contrées voisines. Il en est de même de celle de Breteuil en Normandie qui a été transportée dans le courant du xiie siècle, à bon nombre de localités d’Angleterre, du pays de Galles et même d’Irlande.

Ainsi un nouveau type de paysan apparaît, bien différent de l’ancien. Celui-ci avait pour caractéristique la servitude ; celui-là est doué de la liberté. Et cette liberté, dont la cause est l’ébranlement économique communiqué par les villes à l’organisation des campagnes, est elle-même copiée sur celle des villes. Les habitants des villes neuves sont, à vrai dire, des bourgeois ruraux. Ils portent même dans bon nombre de chartes, le nom de burgenses. Ils reçoivent une constitution judiciaire et une autonomie locale qui sont manifestement empruntées