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de façon permanente à la cité où se trouvait fixé le siège de leur diocèse. Devenues sans emploi pour l’administration civile, les cités ne perdirent point leur qualité de centres de l’administration religieuse. Chaque diocèse resta groupé autour de la ville qui renfermait sa cathédrale. Le changement de sens du mot civitas à partir du ixe siècle atteste clairement ce fait. Il devient synonyme d’évêché et de ville épiscopale. On dit civitas Parisiensis pour désigner aussi bien le diocèse de Paris que la ville même de Paris où résidait l’évêque. Et sous cette double acception se conserve le souvenir du système municipal antique adapté par l’Église à ses fins particulières.

En somme, ce qui se passa dans les cités carolingiennes appauvries et dépeuplées, rappelle d’une manière frappante ce qui, sur un théâtre bien plus considérable, s’est passé à Rome même lorsque, dans le courant du ive siècle, la ville éternelle a cessé d’être la capitale du monde. En la délaissant pour Ravenne, puis pour Constantinople, les empereurs l’ont abandonnée au pape. Ce qu’elle n’était plus dans le gouvernement de l’État, elle l’est restée dans le gouvernement de l’Église. La ville impériale est devenue la ville pontificale. Son prestige historique a rehaussé celui du successeur de Saint Pierre. Isolé, il a paru plus grand, et il est en même temps devenu plus puissant. On n’a plus vu que lui ; on n’a plus, en l’absence des anciens maîtres, obéi qu’à lui. En continuant à habiter Rome, il en a fait sa Rome, comme chaque évêque a fait de la cité qu’il habitait, sa cité.

Durant les derniers temps du bas Empire et de plus en plus encore pendant l’époque mérovin-