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foyers, l’un situé au Sud, l’autre situé au Nord de l’Europe : Venise et l’Italie méridionale d’une part, la côte flamande de l’autre. Et cela revient à dire qu’elle est le résultat d’une excitation extérieure. C’est grâce au contact qui s’est opéré en ces deux points avec le commerce étranger, qu’elle s’est manifestée et propagée. Il eût été possible sans doute qu’il en fût autrement. L’activité commerciale eût pu se ranimer en vertu du fonctionnement de la vie économique générale. Le fait est cependant qu’il n’en alla point ainsi. De même que le commerce occidental s’était évanoui lors de la fermeture de ses débouchés avec le dehors, de même il se réveilla quand ces débouchés se rouvrirent.

Venise, dont l’action se fit sentir sur lui tout d’abord, occupe, on le sait, dans l’histoire économique de l’Europe une place singulière. Comme Tyr, en effet, Venise présente un caractère exclusivement commercial. Ses premiers habitants, fuyant à l’approche des Huns, des Goths et des Lombards, étaient venus chercher un refuge sur les îlots incultes de la lagune (ve et vie siècles), à Rialto, à Olivolo, à Spinalunga, à Dorsoduro[1]. Pour vivre, il leur fallut s’ingénier et lutter contre la nature. Tout manquait : l’eau potable même faisait défaut. Mais la mer suffit à l’existence de ceux qui savent agir. La pêche et la préparation du sel assurèrent tout de suite la subsistance des Vénitiens en les mettant à même de se procurer du blé par l’échange de leurs produits avec les habitants de la côte voisine.

Le commerce leur fut ainsi imposé par les con-

  1. L. M. Hartmann, Die wirtschaftlichen Anfänge Venedigs. Vierteljahrschrift für Social und Wirtschaftsgeschichte, t. II (1904).