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ditions mêmes de leur habitation. Ils eurent l’énergie et le talent de mettre à profit les possibilités indéfinies qu’il offre à l’esprit d’entreprise. Dès le viiie siècle, le groupe des îlots qu’ils occupaient était déjà assez peuplé pour devenir le siège d’un diocèse particulier.

Au moment où la ville s’était fondée, l’Italie tout entière appartenait encore à l’Empire Byzantin. Grâce à sa situation insulaire, elle échappa à l’emprise des conquérants qui s’abattirent successivement sur la péninsule, les Lombards tout d’abord, puis Charlemagne, enfin les empereurs germaniques. Elle demeura donc sous la souveraineté de Constantinople, formant au fond de l’Adriatique et au pied des Alpes, un poste isolé de la civilisation byzantine. Tandis que l’Europe occidentale se détachait de l’Orient, elle continua d’en faire partie. Et cet évènement est d’une importance capitale. La conséquence en fut que Venise ne cessa point de graviter dans l’orbite de Constantinople. À travers les mers, elle en subit l’attraction et elle grandit sous son influence.

Constantinople, jusque dans le courant du xie siècle, apparaît non seulement comme une grande ville, mais comme la plus grande ville de tout le bassin de la Méditerranée. Sa population n’était pas loin d’atteindre au chiffre d’un million d’habitants, et cette population était singulièrement active[1]. Elle ne se contentait pas, comme avait fait celle de Rome, sous la République et sous l’Empire, de

  1. A. Andréadès, De la population de Constantinople sous les empereurs byzantins (Rovigo, 1920). Une histoire économique de Constantinople manque encore. Faute de mieux, on peut consulter L. Brentano, Die Byzantinische Volkswirtschaft (Leipzig, 1917).