Page:Pirenne - Les Villes du Moyen Âge, 1927.djvu/94

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cela que l’apparition des villes a puissamment suscité le progrès social. Elle n’y a pas moins contribué en répandant à travers le monde une nouvelle conception du travail. Avant elle, il était servile, avec elle il devient libre, et les conséquences de ce fait, sur lequel nous aurons à revenir, ont été incalculables. Ajoutons enfin que la renaissance économique dont le xiie siècle a vu l’épanouissement a révélé la puissance du capital, et nous en aurons dit assez pour montrer que peu d’époques ont exercé une répercussion plus profonde sur la société.

Vivifiée, transformée et lancée dans la voie du progrès, l’Europe nouvelle ressemble en somme davantage à l’Europe antique qu’à l’Europe carolingienne. Car de la première elle a recouvré ce caractère essentiel d’être une région de villes. On pourrait même affirmer que si, dans l’organisation politique, le rôle des villes a été plus grand dans l’Antiquité qu’au Moyen Âge, en revanche leur influence économique a dépassé de beaucoup dans celui-ci, ce qu’elle avait été dans celle-là. À tout prendre, les grandes cités marchandes ont été relativement rares dans les provinces occidentales de l’Empire Romain. On n’y voit guère à citer comme telles que Naples, Milan, Marseille et Lyon. Rien de semblable n’y existe qui soit comparable à des ports comme ceux de Venise, de Pise, de Gênes ou de Bruges, ou à des centres d’industrie tels que Milan, Florence, Ypres et Gand. En Gaule il semble bien que l’importance prise au xiie siècle par d’anciennes cités telles qu’Orléans, Bordeaux, Cologne, Nantes, Rouen, etc. ait dépassé de beaucoup celle qu’elles avaient présentée sous les Césars.