Page:Pirenne - Les Villes du Moyen Âge, 1927.djvu/93

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ne servent plus uniquement à la consommation des propriétaires et des travailleurs du sol : ils sont entraînés dans la circulation générale, comme objets d’échange ou matières premières. Les cadres du système domanial qui avaient jusqu’alors enserré l’activité économique se brisent, et la société tout entière s’empreint d’un caractère plus souple, plus actif et plus varié. De nouveau comme dans l’Antiquité, la campagne s’oriente vers les villes. Sous l’influence du commerce, les anciennes cités romaines se raniment et se repeuplent, des agglomérations marchandes se groupent au pied des bourgs, s’établissent le long des côtes maritimes, au bord des fleuves, au confluent des rivières, aux points de jonction des voies naturelles de communication. Chacune d’elle constitue un marché dont l’attraction, proportionnelle à son importance, s’exerce sur le pays environnant ou se fait sentir au loin. Grandes ou petites on en rencontre partout ; il s’en trouve une en moyenne par cinq lieues carrées de terrain. C’est qu’elles sont devenues, en effet, indispensables à la société. Elles y ont introduit une division du travail dont elle ne pourrait plus se passer. Entre elles et la campagne s’établit un échange réciproque de services. Une solidarité de plus en plus étroite les relie, la campagne subvenant au ravitaillement des villes et les villes la fournissant en retour de denrées commerciales et d’objets fabriqués. La vie physique du bourgeois dépend du paysan, mais la vie sociale du paysan dépend du bourgeois. Car le bourgeois lui révèle un genre d’existence plus confortable, plus raffiné et qui, en excitant ses désirs, multiplie ses besoins et relève son standard of life. Et ce n’est pas seulement en