Page:Pirenne - Un contraste économique, Mérovingiens et Carolingiens, 1923.djvu/6

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

luxe. Sous doute la vente des orfèvreries, des émaux et des étoffes de soie d’origine orientale devait fournir aux Juifs et aux Syriens des bénéfices considérables Mais elle ne suffirait pas à expliquer qu’elle ait pu les attirer vers la Gaule en si grand nombre que, jusque dans une ville de second ordre comme Orléans, ils constituaient vers la fin du vie siècle une véritable colonie[1]. On vient de voir d’ailleurs que le mouvement commercial de Marseille était essentiellement alimenté par des denrées servant à la consommation générale. Dès lors, nous sommes obligés de considérer les marchands orientaux fixés dans la monarchie franque comme s’adonnant tout ensemble à l’importation et à l’exportation. On ne comprendrait point, en effet, comment leur trafic eût pu se maintenir si leurs bateaux n’avaient emporté, en quittant les rives de la Provence, non seulement des voyageurs, mais du fret de retour. Les sources, à vrai dire, ne nous renseignement point sur la nature de ce fret. Parmi les conjectures dont il peut être l’objet, l’une des plus vraisemblables est qu’il consistait probablement, tout au moins pour une bonne partie, en denrées humaines, je veux dire en esclaves[2].

Si les marchands orientaux ont joué un rôle principale dans le commerce des temps mérovingiens, il ne faudrait point cependant exagérer leur importance. À côté d’eux, et probablement en relations constantes avec eux, sont mentionnés des marchands indigènes. Grégoire de Tours ne laisse pas de fournir à leur égard des renseignements qui seraient évidemment plus nombreux si ce n’était le hasard qui les amène dans ses récits. Il nous montre le roi consentant un prêt aux marchands de Verdun, dont les affaires prospèrent si heureusement qu’ils se trouvent bientôt à même de le rembourser[3]. Il nous apprend à Paris l’existence d’une domus negociantum[4]. Il nous parle d’un marchand profitant pour s’enrichir de la grande

  1. Grégoire de Tours, l. VIII, 1.
  2. On sait que ce commerce resta en usage non seulement durant toute la période mérovingienne, mais pendant l’époque carolingienne. Cf. Scheffer-Boichorst, loc. cit., p. 545.
  3. Grégoire de Tours, l. III, 34.
  4. Ibid., l. VIII, 33.