Une pareille excuse est-elle illégitime ?
Serait-elle pour nous encore un nouveau crime ?
Et pas un de nous trois ne se peut-il flatter
Que du malheur commun vous voudrez l’excepter ?
Nous nous en remettons à l’arrêt redoutable
Que va nous prononcer votre bouche équitable :
Daignez baisser les yeux sur quelqu’un d’entre nous,
Et qu’il lui soit permis d’oser prétendre à vous.
Si j’avois su toucher des cœurs si peu sensibles,
Je n’en trouverois plus désormais d’invincibles ;
Vous signaleriez trop le peu que j’ai d’appas ;
Et le signaleriez en ne l’honorant pas.
Quiconque aime en effet doit poser pour maxime,
Qu’il n’honore qu’autant qu’il est digne d’estime.
Examinez-vous bien ; & voyez quel honneur
Peut revenir jamais du don de votre cœur.
Quelles âmes ce jour avez-vous fait paroître ?
Et pour qui venez-vous de vous faire connoître ?
Vous m’aimez, dites-vous. Osez-vous un moment,
Colorer vos refus d’un pareil sentiment ?
Osez-vous espérer que ce propos m’abuse,
Et qu’un si fade encens me flatte & vous excuse ?
Angélique indigente excita vos refus :
Et l’opulence en moi vous tente, & rien de plus.
Ne vit-on pas toujours unis d’un nœud perfide,
La noire ingratitude & l’intérêt sordide ?