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Page:Piron - Œuvres complettes, 1776, tome 1.djvu/316

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Et sachez distinguer ce cœur où vous régnez,
De ces indignes cœurs qu’ici vous nous peignez !
Eh quoi ! Pour ne pouvoir aimer une inconnue,
Que de vos yeux vainqueurs le charme a prévenue,
Comme un lâche, animé du plus vil intérêt,
Dois-je être foudroyé d’un si cruel arrêt ?
Accusez mon amour, condamnez son audace ;
C’est aux soumissions à mériter sa grâce ;
Mais que de vos soupçons vous ne m’exceptiez pas ;
Me supposer à moi des sentiments si bas ;
Voir les vœux les plus purs traités de mercenaires ;
Madame, mille morts me seroient moins amères.

ÉRASTE, bas à Valère

Il pourroit bien sur nous l’emporter aujourd’hui :
Nous n’avons pas le bec affilé comme lui.

VALÈRE

Madame…

ANGÉLIQUE

Vos discours, quoi que vous puissiez dire,
Après ce que j’ai vu, ne me sauroient séduire.
Si pourtant mon estime a de quoi vous toucher,
Il vous reste un moyen de vous en rapprocher.
Laissons-là cette fille à qui je m’intéresse ;
Un soin plus important vous regarde & vous presse.
Angélique n’a plus de ressources qu’en moi.
De vos biens la pitié réclame un autre emploi.
La dernière infortune accable votre père ;
J’ai vu sa gratitude, & sa vertu m’est chère ;