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Page:Piron - Poésies badines et facétieuses, 1800.djvu/126

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LE PIRATE

CONTE.

Amour souvent se niche dans le froc :
Nonnains n’ont pas toujours le cœur de roc.
Guimpe et béguin sont de faibles barrières ;
Voile, cordon, cilice et chapelet
Ne font point peur à chevalier discret,
Qui sait joûter de toutes les manières.
Murs vainement prêtent leur épaisseur :
Grille de fer défend mal la pudeur ;
Quand Cupidon, signalant sa puissance,
Pour se jouer, l’attaque quelquefois,
Traits enflammés la mettent aux abois :
Elle se rend sans faire résistance ;
Et dans couvent, comme ès cours des grands rois,
Filles y vont en terribles arrois.
Oyez ceci, vous qui voulez apprendre
Comment tel cas se peut apercevoir :
Mon désir est de le faire savoir,
Si vous avez le dessein de m’entendre.

Au fond d’un val, non fort loin de la mer ;
Dans les enclos d’un vaste monastère,
Nonnes vivaient en destin très-amer,
De voir couler leurs beaux jours sans rien faire.
Or, il advint qu’au rivage prochain,
Un Corsaire fit un larcin
Qui fut suivi de son naufrage ;
Sa nef vint se briser contre un roc du rivage,
Puis dans l’abîme se plonger ;