Chez toi, Glycère, on craint peu ce destin ;
On n’y reçoit jamais d’égratignure
Que de la rose éparse dans ton sein…
Mais que l’on doit chérir cette piqûre,
Lorsque ta bouche, au sourire enfantin.
Vient elle-même essuyer la blessure !
Ces longs repas, que l’on nomme festins.
Où, près de nous, l’ennui se met à table,
Valent-ils donc ces soupers clandestins,
Où le plaisir sait toujours rendre aimable ?
Ou la douceur de tromper un jaloux,
Un vieux Midas, ajoute à notre joie ?
Où, sans projet le rire se déploie ?
Où, sans juger les sages ni les fous,
Nous oublions tout l’univers pour nous ?
Où l’appétit qui naît du plaisir même,
De tous les plats se fait le cuisinier ?
Où libertin et gourmand par système,
L’on mange bien et l’on s’aime de même ?
Où l’on est deux, sans craindre de bâiller ?
Ah ! que me font, toutes ces Cassolettes,
Tous ces parfums, tous ces vases brillants,
Ces dais couverts de cent mille paillettes,
Où l’on respire un insipide encens ?
J’aime bien mieux cette simple corbeille,
Où, le matin, quand le timide oiseau
Vient t’annoncer que l’aurore s’éveille,
Ta main confond le lys et le barbeau ;
Ce beau panier que la rose couronne ;
Qui, dans tes mains, de l’amour est le trône
Et qui, jadis, lui servit de berceau…
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