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Page:Piron - Poésies badines et facétieuses, 1800.djvu/79

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LEÇON À MA FEMME.


Ma femme, allez au diable, ou vivez à ma mode,
La morale n’est pas d’un Caton, d’un fâcheux :
Je suis pour la vertu commode,
Et la vôtre s’oppose à tout ce que je veux.
J’aime à passer la nuit à table ;
Et vous, qui devriez, avec un air ouvert,
Animer la débauche et la rendre agréable,
Vous faites la grimace et sortez au dessert :
Votre pudeur ne peut soutenir la lumière.
La seule obscurité contente vos désirs ;
Et pour rendre ma joie entière,
Il faut que le grand jour éclaire mes plaisirs.
Sous une longue jupe, avec soin étendue,
Vous cachez ce qu’on doit découvrir aux maris.
Je ne trouve que des habits,
Et je cherche une femme nue.

Au lieu de me donner des baisers ragoûtants,
Vous me donnez des baisers de grand’mère :
Vous demeurez sans voix, sans mouvements,
Loin de me seconder dans l’amoureux mystère ;
Et quand, pour m’exciter au doux jeu de Vénus,
J’ai besoin de vos mains, vous faites la sucrée,
Vous vous fâchez, et n’y touchez plus
Que si détail chose sacrée.
Je ne puis souffrir cet abus.
Tandis que le sommeil fermait les yeux d’Ulysse
Malgré sa mine prude et ses airs réservés,