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en 1609, Laurentius Stiphelius publie, à Naumbourg, un Compendium musicum[1].

La plupart de ces petits livres sont destinés à instruire les écoliers des éléments de la musique, et les auteurs qui les ont publiés étant, bien souvent, des maîtres de psallette, ont songé surtout à former leurs lecteurs à pratiquer la musique. La science pure les préoccupe moins que l’exécution chorale. Pour eux, la musique est, d’abord, « l’art de bien chanter ». S’il leur arrive de lire, dans Boèce, que l’étude de la musique donne la faculté d’apprécier, par le sens et par la raison, les différences des sons hauts et des sons graves[2], ils ne tirent point de ce passage une définition pour leurs élèves, mais ils imitent bien plus volontiers cette phrase du même philosophe : Musica est scientia potestatem canendi subministrans. Saint Augustin avait donné, d’ailleurs, une définition analogue, appelant la musique scientia bene modulandi, et saint Bernard devait la nommer recte canendi scientia.

Au commencement de son Dodecachordon (1547), Glaréan présente la définition de saint Augustin comme convenant seulement à la musique pratique, tandis que la définition de Boèce qui fait appel à la raison, se rapporte à la musique théorique[3]. Cette étude des principes de la musique doit être d’ailleurs considérée comme une science, et l’étude du chant doit être désignée comme un art. On discutait longuement, au temps de Descartes, sur toutes ces distinctions. En 1609, Hippolyte Hubmeier, parmi ses dissertations sur les « questions illustres de la philosophie », posait ce problème : An sit ars musica, an scientia[4] ? Sethus Calvisius, en 1611, jugeait inutile de se préoccuper de cette question, disant qu’elle n’appartenait point en propre à la musique, et que le musicien ne gagnait rien à la résoudre, et ne perdait rien à ne pas l’éclaircir. « C’est l’affaire des philosophes de rechercher quelle est la différence propre qui distingue les arts des sciences, ajoutait-il, je ne me mêle point à leurs mystères[5]. »

  1. Cité par.Forkel (Allgemeine Litteratur der Musik, Leipzig, 1792. p. 271).
  2. Anicii Manlii Torquati Severini Boetii De Institutione musica Libri V. « Armonica est facultas differentias acutorum ac gravium sonorum sensu ac ratione perpendens » p. 352 de l’éd. Teubuer, (1867).
  3. Glareani Δωδεκαχορδον, Basileæ (1547), liv. I, chap. I.
  4. Decas prima Disputationum Quæstionum illustrium philosophicarum, deuxième question.
  5. Exercitatio musica tertio, p. 11.