Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/105

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de notre question comme la philosophie dans ses multiples systèmes opposés l’un à l’autre ?

À vrai dire, on pourrait objecter ici préalablement qu’un problème de philosophie ne saurait être résolu par les sciences particulières ; que la philosophie traite précisément les questions concernant les principes et les conditions d’existence des sciences particulières ; que l’activité de la philosophie doit ainsi précéder, dans tous les cas, celle de la science et que si les sciences particulières entreprenaient de dire leur mot sur les questions de philosophie générale, ce serait empiéter d’une façon illicite sur le domaine philosophique.

Quiconque juge de la sorte méconnaît à mon avis l’importance du travail que la science et la philosophie opèrent ensemble. Tout d’abord, il y a lieu de considérer que le point de départ et les moyens d’investigation sont, au fond, tout à fait les mêmes dans les deux domaines.

Le philosophe, en effet, ne travaille nullement avec une espèce particulière d’intelligence et il ne puise à nulle source autre que les idées issues de son expérience journalière et de sa formation scientifique ; les idées qui diffèrent d’après ses penchants individuels et son évolution personnelle. À certains égards, même, le savant lui est de beaucoup supérieur, car il dispose, dans son domaine spécial, d’un matériel de faits beaucoup plus riche, rassemblé par observation ou expérimentation et passé systématiquement au crible. En revanche, le philosophe a de meilleurs yeux pour contempler les ensembles universels qui n’intéressent pas immédiatement le savant et que, par suite, ce dernier omet plus aisément d’observer.

La différence entre les deux sortes d’études pourrait, dans une certaine mesure, se comparer à celle qui existerait entre les occupations de deux compagnons de voyage debout côte à côte et examinant tous deux attentivement un paysage étranger, complexe et de vaste horizon, celui-ci d’un regard libre d’errer partout à sa guise, celui-là avec une longue-vue solidement fixée dans une direction précise. Le premier ne voit pas aussi distinctement le détail ; mais il peut, d’un seul coup d’œil, embrasser à la fois l’unité et la diversité de l’ensemble et, par suite, comprendre mieux un certain nombre de