Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/107

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et ne ferait que se rendre ridicule. Quelle autre manière, en effet, d’administrer la preuve qu’il s’agit ici d’un véritable progrès dans la connaissance si ce n’est par l’examen des résultats qui sont sous nos yeux ? La seule marque à laquelle on puisse reconnaître sans erreur la valeur de n’importe quelle sorte de travail est et reste cette fois encore dans les fruits qu’elle a donnés.

La compétence et l’efficacité de la méthode scientifique pour traiter le problème qui nous occupe étant ainsi reconnues, il nous est permis de poser, en outre, la question suivante : Comment la science procède-t-elle, en fait, dans ses diverses branches ? Et, qu’on prenne garde, il s’agit ici de la science elle-même et non des fondements qu’elle peut avoir dans la philosophie ou dans la théorie de la connaissance. S’occupe-t-elle des perceptions sensibles et relatives données immédiatement par la conscience et de leur mise en œuvre systématique suivant les lois de la pensée ou bien, de cette source première de nos connaissances, passe-t-elle aussitôt au-dehors par une sorte de saut sur le terrain de la métaphysique ? Sur la réponse à cette question, mon avis ne peut faire de doute pour aucun esprit impartial : elle est, pour chaque science particulière, en faveur de la seconde alternative. Bien plus, on est en droit de dire que c’est précisément au rejet de toute considération égocentriste ou anthropocentriste et là seulement que commence chaque science, au sens propre du mot. Primitivement, en effet, l’homme pensant tirait à soi et à ses intérêts toutes ses perceptions sensibles et tout ce qui s’y rattache. Les forces de la nature qu’il se figurait douées d’une âme comme la sienne, il les classait en bienveillantes ou hostiles, les plantes en vénéneuses et inoffensives ; les animaux, en redoutables et paisibles. Aussi longtemps qu’il s’obstina dans cette attitude intellectuelle, il ne put arriver à une véritable science. C’est seulement quand il se mit à laisser hors de jeu, pour l’amour de la connaissance pure, ses intérêts immédiats, lorsqu’il se crut lui-même et, plus tard aussi, la planète qu’il habite, fort loin d’être le centre de l’évolution universelle, lorsqu’il se retira sur des positions plus modestes de l’observateur qui écoute, guette attentif, et doit se tenir aussi tranquille que possible à l’arrière-plan pour